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Parlons de photographie

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Indémodable papier

Aujourd’hui, les images sont partout ! Capturées à tout moment, elles circulent à toute vitesse, se partagent instinctivement et se visionnent à 99 % sur un écran. Pas de doute, cette facilité est bien pratique. Récemment, je demandais à une amie de me montrer des photos récentes de son fils, elle me tendit son smartphone et fit instantanément défiler des dizaines d’images, très craquantes au demeurant… mais qu’en restera-t-il dans vingt ou trente ans ? Tous ces fichiers, au mieux stockés sur des disques durs, croyez-vous vraiment que vos enfants et petits-enfants auront envie d’aller fouiller dans le Cloud ou ailleurs, pour les retrouver ? D’abord, tout le monde aura oublié le mot de passe pour y accéder. Ensuite, quand bien même l’auteur des images aura pris la précaution d’effectuer les sauvegardes dans les nouveaux systèmes qui n’auront pas manqué d’apparaître sur le marché “pour faciliter la vie du photographe”, qui aura envie de se plonger dans les milliers de fichiers pas forcément bien indexés, ni correctement classés ?

Stocker sans archiver ni sélectionner n’a pas de sens. Cela revient à jeter… Le scanner comme l’impression sur papier sont deux moyens de conserver et de donner vie à des images qui risquent autrement de disparaître. Un article du Monde paru le 11 mars affirmait, au sujet de l’exposition “Capa en couleur” qui se tient actuellement à l’ICP à New York, que 4 000 diapos couleur étaient restées dans l’ombre pendant plus d’un demi-siècle faute de moyens techniques permettant leur restauration. Incroyable, non ? Robert Capa, comme de nombreux reporters de l’époque, avait deux boîtiers sur lui et doublait ses sujets pour la presse en n & b et en couleur. Il a ainsi photographié en couleur des événements historiques mais aussi des personnalités comme Picasso pour le magazine Look en 1948. Irving Penn a, quant à lui, photographié Picasso en 1957. Cet immense photographe avait un grand souci du tirage qu’il effectuait lui-même avec beaucoup de soin en expérimentant différents types de procédés. Son portrait du peintre est passé à la postérité et est devenu une icône. Il est en couverture de ce numéro et sera exposé au Palazzo Grassi à Venise. Entre les diapos de Capa, aujourd’hui récupérables, et les somptueux tirages papier d’Irving Penn, il y a l’essence de ce médium qui est à la fois document et œuvre d’art.

Face aux milliards d’images volatiles et jetables qui nous enveloppent telles des ondes, nous pouvons affirmer qu’une image qui n’est pas imprimée n’existe pas vraiment. Elle est en état de latence. Quelles sont ses vraies couleurs, ses véritables densités ? Celles que l’écran reproduit ? En imprimant une image, l’auteur fait des choix artistiques et assure à son image une matérialité qui est gage de conservation et de transmission. Elle devient “photo”. C’est pourquoi je suis toujours surprise de constater que des photographes rechignent à s’équiper d’une “bonne” imprimante qualité photo alors qu’ils dépensent des sommes importantes en boîtiers et objectifs. Le risque est qu’il n’arrive aux imprimantes photo “expertes” ce qui est arrivé aux scanners depuis que Nikon a arrêté la fabrication des Coolscan : le choix entre des modèles “limités” et des haut de gamme inabordables. Faire des images c’est bien, mais l’essentiel n’est-il pas de les montrer et de les transmettre sur ce support indémodable qui reste (et restera !) le plus noble : le papier.

Sylvie Hugues

 


 EXPO PHOTO

http://33.agendaculturel.fr/exposition/bordeaux/galerie-bouillon-d-art/exposition-photos-l-homme-beton.html

 


 

Jean-Luc Chapin

Peu de photographes, aujourd'hui, sont aussi littéraires que ce Bordelais qui s'obstine à mettre en forme la nature en relisant Montaigne. Et rares sont ceux qui, comme lui, s'attachent à lire dans le paysage - qui est finalement son seul questionnement - les signes imprévus et les marques du temps. 

Sa relation à la nature ne diffère en rien de sa pratique de la photographie : elle relève de l'évidence de la trace quand la photographie est capable d'immortaliser et de rendre pérenne l'empreinte qu'a laissée le sanglier sur un talus. 

Jean Luc Chapin redécouvre des territoires en se laissant guider par des écrivains ou par sa seule fantaisie, immortalise le vol d'un oiseau que le chasseur qu'il n'est pas ne va pas abattre et retourne aux livres qu'il révère. 

 


 

FELIX  ARNAUDIN

Né et mort au cœur de la Grande-Lande, Simon dit Félix Arnaudin (1844-1921) consacra, dès 1874, plus de quarante ans de sa vie à fixer, par la photographie, l'évolution d'un pays "dédaigné", aux larges étendues de lande ou de lagunes, auquel une loi, de juin 1857, imposa (pour raisons sanitaires, mais surtout économiques et spéculatives) un boisement massif en pins, qui conduisit en un demi-siècle à la forêt landaise, telle qu'encore en place de nos jours. 

Si d'autres artistes, avant lui, se sont intéressés aux Landes, c'est en véritable collecteur et enregistreur qu'Arnaudin sillonne la région, à pied ou à bicyclette. 
Les 1026 négatifs présents sur Joconde (sur 3230 conservés au musée d'Aquitaine) font resurgir tout un univers disparu (et sans doute idéalisé),... un monde "d'avant les pins"..., avec ses bergers-échassiers et troupeaux, les activités agro-pastorales, les airials (terrains situés hors des bourgs, couverts de pelouse et plantés de quelques chênes), au devant desmaisons à auvent, les puits à balanciers, les parcs à animaux (aux toits de tuiles), les bordes(cabanes aux toits de chaume), les églises... 
Certes, les pins gemmés et l'exploitation du bois existaient déjà, mais de manière très limitée. Arnaudin entend, lui, dénoncer le gemmage intensif qui se met rapidement en place et qui perdurera jusqu'au milieu du 20e siècle
Notre photographe n'oubliera pas non plus ses habitants et en fera nombre de portraits

Attaché au passé de sa région, Arnaudin a paradoxalement utilisé la photographie, une des inventions les plus modernes de son époque, dont il suivra les évolutions techniques, passant des plaques au collodion, à celles au gélatino-bromure

De fait, son travail de "mémoire" peut être rapproché de celui de son exact contemporain,Eugène Atget (né non loin des Landes, à Libourne) qui photographia, vers la même époque, un "vieux Paris" en voie de disparition... 

Rendez-vous dès lors, à Bordeaux fin 2014, pour voir l'exposition qui sera consacrée à Félix Arnaudin, "l'Imagier des Landes"...


par Mathilde Huet - Mai 2013
(en collaboration avec Catherine Vigneron et Marie-Christine Hervé, Bordeaux)


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